Dans la proposition suivante : "Jacques Julien fabrique des terrains de sport", sport mérite une moindre considération que terrain ; la partie la plus immédiatement visible du projet de Jacques Julien étant d'inscrire un objet qui est (ou qui vaut pour) un lieu dans un autre lieu (qui est d'art). En ça, le lieu d'exposition est coextensif au lieu du tableau (the abstract one). Partant, on ne s'étonnera pas de ne trouver rien ici de ce que le sport (et sa mise en application idéologique, la compétition) véhicule habituellement de glamour, pop, ou simplement humain, donc spectaculaire ; juste circulent des formes inhabitées, sorties de leur logique d'usage, comme intimidées, et passablement intimidantes pour ça. On pourrait alléguer qu'il faut bien occuper le terrain. Ce ne serait pas péjoratif tant il est manifeste que le sport constitue pour Jacques Julien un solide alibi (qui couvre avec la même élégance toutes sortes de pillages sémantiques et d'outrages matériels) et non une finalité (même si, en retour, et c'est inévitable, l'alibi surdétermine le projet qui le convoque). Chaque pièce est à la fois, par sa rigueur, adéquate à son modèle (lequel obéit à des règles topologiques et géométriques fixées par des fédérations, qui savent de quoi elles parlent), et à la fois la négation de cette adéquation, aussitôt que cette même rigueur se voit poussée à l'extrême. Par exemple : le 25ème terrain de golf de la région PACA, que Jacques Julien confina dans les 25 m2 de Nice Fine Arts, en 1996, ou le tremplin de "Ski (saut)" (-freine !-, veut-on ajouter) remplissant et pastichant l'architecture de l'espace Jules Verne, à Brétigny sur Orge. Déclarant "De quelle métaphore s'agit-il ? Je ne sais pas" (au quotidien Libération), je tiens qu’il n’est pas dupe de la puissance symbolique de la bête qu'il manipule, et que cela doit s’entendre non comme une lacune, mais comme un excédent : toutes les digressions métaphoriques sont autorisées, dès lors il n'est plus pertinent de choisir. Maxime Matray |